lundi 6 mai 2019

Mariages pluvieux

Quel printemps, tout de même, que ce printemps ! Qui nous fait passer en une semaine de l'été à l'hiver ! Pour mieux revenir à lui-même ?


Derrière la pluie, les fleurs


Depuis trois jours, l'humeur est à la pluie ! Enfin, le ciel s'est laissé allé à quelques larmes. Et comme pleurer soulage, bientôt les flaques se sont faites ruisseaux, et les ruisseaux rivières. 

La tristesse trop longtemps contenue d'un climat fiévreux est venue au secours d'une terre asséchée. Enfin la pluie ! la vraie, intermittente indispensable du théâtre du jardin ! celle qui mouille, qui trempe, qui arrose ! Qui apaise.

Cette eau, les feuilles l'ont collectée, accueillie, recueillie ; puis l'ont offerte à l’ici-bas des racines assoiffées. 

Il n'en fallait pas plus pour que se bousculent à nos portes des plantes tentées par l'aventure du mariage pluvieux-heureux. Jeunes pousses et vieilles branches, vivaces fidèles, annuelles frivoles, amours bégayantes et rencontres d'un matin : personne n'est resté insensible au vent des folles ondées qui s'est levé sur la nature

Si la sècheresse isole, la pluie réunit.

Voici donc trois histoires d'eau fraîche et d'amour. Un amour tout en imagination - forcément, car quand les fleurs s'embrassent... le jardinier cligne des yeux.

La première scène est simple comme le jardin de tous. Une lisière de forêt. Offerte aux visiteurs... qui ne se bousculent pas. Derrière un petit talus, le miracle d'une rencontre sous la rosée. Deux fleurs sauvages semblent mélanger les couleurs du printemps de leurs tiges qui s'enlacent. Elles sont toutes deux issues de familles (modestement) riches, les caryophyllacées et les véronicacées.  

Ainsi, Stellaria holostea et Veronica chamaedrys ont marié bleu doux et blanc lumineux, un soir de printemps, sans autre invité à leurs noces que quelques graminées et un promeneur émerveillé.

Stellaria Holostea, Veronica chamaedrys, au cœur de la lisière enchantée


Revenons à présent à nos plates-bandes - tout juste plantées, et qui ne sont que terre vierge et vivaces endormies. Nous y avons célébré les noces d'une Rhubarbe bien établie, vivace fidèle et de longue vie, et une jeune annuelle sauvage et délicate, l'Alliaire officinale. La seconde est venue surprendre la première dans le confort de son jardin. L'une habitait son royaume de main d'Homme depuis plusieurs années, l'autre s'y est invitée dans un souffle d'air.  

Rien ne les prédisposait à se rencontrer.

Leurs feuilles se sont entremêlées dans un camaïeu de défi et de paix.

Saurez-vous trouver le petit jardinier caché dans cette scène ?

Alliaria officinalis et sa Rheum ssp.

Avant de céder au crépuscule, passons saluer les lumières de l'ombre légère : l'Epimédium 'Amber queen', reine des coins reculés, et son infatigable soupirant : Polemonium yezoense 'Purple Rain'. 

Ici, à chaque heure, le ciel est bleu profond, et les gouttes de pluie orange comme des clochettes.  

Certaines alliances me font oublier les mots derrières leur évidence.
C'est donc en silence que le bouquet de leur mariage fera briller mes yeux jusque tard dans la saison.

Le temps suspendu


Nous arrivons au terme de nos trois brèves histoires de pluies, de plantes et d'étreintes

Chaque éclat n'est qu'instant : la saison passera, et aucun moment à venir ne lui ressemblera tout à fait...

Ainsi, quand l'amour se raconte en équilibre sur le fil des fleurs, c'est toute la fragilité de nos vœux qui défile. Et avec elle, toute sa force.

(Je vous souhaite un mois de mai heureux, de sève, de vie, de douceur !)



14 commentaires:

  1. J'adore ta photo du temps suspendu, magnifique.
    Belle journée.

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    1. Merci Caro Lys,

      Epimédium et Polémonium semblent faits pour vivre ensemble, n'est-ce pas ? C'est sans doute mon association préférée dans mon jardin juvénile. Ils ne se croisent réellement qu'une semaine, mais quelle semaine !

      Beau dimanche, soleil après la pluie !

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  2. je t'envie la pluie qui unit toutes tes plantes!(ici 0,2 mm depuis le 27 avril..) j'attends, j'attends..
    je suis très admirative de ta science botanique, même si les noms des plantes que je connais sous des noms simples, ont des noms latins à rallonges!
    passe un bonne semaine avec ton petit jardinier batifolant dans les herbes!
    à bientôt

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    1. Bonjour Catherine,

      Oh, mon savoir est tout juste naissant. Je suis parfois pris de vertige quand je réalise tout ce que je ne sais pas...

      Pour pleuvoir, il a plu ! Hier toute la nuit et presque toute la journée. Une journée comme cela par semaine et la nature sera merveilleuse cette année.

      J'espère que vous en avez eu autant !
      Heureuse et douce journée, Catherine.

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  3. Céline/Bretagne7 mai 2019 à 17:09

    Bonjour Geontran,
    tu as un vrai don pour l'écriture, chacun de tes billets me touche. La scène qui me plait le plus est celle de la lisière, c'est très joli. Quelle est la plante sur la première photo, sous la clématite ?
    A toi aussi, doux et beau mois de Mai ! la pluie est de retour en Bretagne :-)

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    1. Merci Céline,

      Tout le charme de la lisière, c'est d'être de la main de la seule nature ! Je partage ta préférence. Je tombe souvent en arrêt devant ces scènes que - presque - personne ne remarquent...

      Je te souhaite une belle journée sous un soleil breton.

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    2. Ah oui, j'oubliais : sous la clématite, le somptueux feuillage est celui d'un Dianthus nigrescens 'Sooty'

      Tu peux en voir un tout petit bout en fleurs en bas de la dernière photo de cet article : https://agapanthes-et-camphrier.blogspot.com/2018/10/un-peu-dete-dans-mon-automne.html

      C'est une de mes plante préférée. Presque la première que j'ai installée dans mon jardin. Je ferai un article rien que sur elle quand elle sera à nouveau en fleurs !

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  4. Coucou Geontran
    Ici comme chez toi la pluie est tombée, en rincées, en appartées, en longue et folles averses qui ont ameubli le sol qui s'asséchait dangereusement au point de griller bien avant l'heure les floraisons qui s'annonçaient et en un tour de main la vie a repris son cycle immuable oubliant qu'il y avait peu il faisait déjà trop chaud
    Tes écrits sont toujours aussi poétiques et te lire reste un plaisir, c'est un peu comme déguster un gâteau délicieux (pour ma part une amandine), on n'en laisse jamais une miette
    Des bises radoucies ou rafraichies c'est selon la météo qui fait ce qu'elle veut (comme le mois de mai)

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    1. Ah oui, en mai, c'est le climat qui fait ce qui lui plaît !

      La journée d'hier m'a rempli une brouette d'eau ; et l'Orge a caressé mon jardin...

      Sais-tu que l'amandine, avec la tarte au citron, est mon péché mignon ? Je suis absolument incapable d'y résister.

      Bises fraîches et ensoleillée, pleines de rosée du matin.

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  5. Bonjour Geontran,
    C'est avec un infini plaisir et bonheur que je lis tes mots sur les saisons, les fleurs. Tes mots sont comme des caresses que tu déposes pour chacune d'entre elles. Le ciel a ouvert les vannes, ce dont elles avaient besoin puis le soleil déposera ses doux rayons.
    Beau mois de mai.
    Mes amitiés

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    1. Merci Denise,

      Je lis en rougissant tes gentils compliments. Il n'y a pas assez de mots pour décrire les fleurs et l'immense bonheur qu'elles procurent. On peut écrire, encore et encore ; il en restera à dire, tant et tant !

      Beau dimanche de mai, joyeux, soleil après la pluie !

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  6. Avec de si beaux mariages on ne peut qu'être reconnaissant à la pluie. Les épi médiums de mon jardin ne donnent jamais de si belles scènes que les tiens. Ils ne doivent pas apprécier l'ombre sèche. Belle journée Geontran

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    1. Bonjour Judith,

      Ah, les épimédiums ! On les dit très arrangeants, et c'est vrai qu'ils le sont. Mais ils ont leurs petits, tous petits caprices. Ils tolèrent très bien l'ombre sèche - enfin, mieux que la plupart des plantes à fleurs. Mais ils ne sont jamais aussi beaux qu'à la mi-ombre humifère (c'est le cas de celui sur la photo, qui est à l'abri sous un rhododendron, et dans la meilleure terre de mon jardin. Il y a un secret tout simple pour les charmer : mettre un peu de terreau (pas besoin d'un super terreau, le plus simple et bon marché suffit) en surface autour du pied, au début du printemps. Ils adorent ça, un peu comme les pervenches ! Ils fleurissent alors beaucoup mieux et longtemps.

      Amitiés jardinières et heureux dimanche, Judith !

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  7. Bonjour Geontran,
    A Brest, nous avons été bien arrosés aussi! La plupart des plantes ont adoré mais le vent les accompagnant, en a cassé quelques unes...
    " L'une habitait son royaume de main d'Homme depuis plusieurs années, l'autre s'y est invitée dans un souffle d'air." J'ai relu cette phrase plusieurs fois, tant j'aime sa poésie et sa vérité simple. Tout le texte n'est que cela d'ailleurs, merci pour ce beau poème Geontran!
    Oui, je vois le petit jardinier... Il est en train d'arroser? ;-)
    Bon dimanche bleu sans nuage! Bises de Brest

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