Jonquilles vives dans une terre nue |
Quand je n'étais encore qu'un jeune homme, j'espérais un monde plein de toujours. Les parfois m'effrayaient, les peut-être me terrorisaient. Comment dire au revoir dans ces circonstances ? Quitte à tout perdre, je préférais la certitude des adieux.
Je me souviens qu'un jour, à force de pleurer les toujours qui ne venaient jamais, je perdis la notion des saisons, oubliai ma propre cadence, et jusqu'au goût des fleurs.
Ce sont les jonquilles qui reconstituèrent le vase cassé de ma tendresse. L'anthèse d'une Jonquille est le sourire de la fleur à sa terre, un gage de confiance - un abandon aussi.
Si parfaite, si simple ; la première jonquille du jardin |
Il était une fois une jonquille, d'éclat et douceur mêlés, qui perça ma glace et fit fondre des neiges qui semblaient éternelles.
Aucun hiver ne résiste aux jonquilles. Elles sont rire clair sous cape de grisaille. Elles éclairent nos visages, telles ces bougies farceuses dont on décore les gâteaux d'anniversaire, qui vacillent et fument sous le souffle, feignent de s'éteindre... et reprennent vie en crépitant ! On les ressort, chaque année un peu plus nombreuses, et puis on rit à nouveau du bon tour qu'elles nous jouent, les joues roses, le plaisir étincelant, comme au sortir d'un rendez-vous qui aurait tenu ses promesses - et un peu plus encore.
Les jonquilles sont la clarté dont on habille le temps pour l'habiter un peu mieux.
Il était une fois un jonquille, cœur d'or et beurre, qui me redonna la gourmandise de la vie.
C'était avant que je ne m'évanouisse d'avoir volé trop près de ce minuscule soleil. Je n'ai pas su faire une respiration du souffle qui m'avait été rendu. Je n'étais pas prêt, simplement. J'étais encore fragile, hésitant, figé, comme ces jeunes pousses qu'on repique et qui paraissent végéter. En réalité, elles affermissent leur racines pour mieux monter à la conquête du ciel. Ainsi, mon envol attendit un second souffle, une autre vie. Une autre fleur ; mais qui n'aurait jamais pu réenchanter mon jardin s'il n'y avait eu un jour une jonquille pour en ameublir la terre.
Parfois je marche jusqu'à ce quai de gare où le printemps a jadis marqué l'arrêt. Je sais à présent y sourire.
Narcisse de chiffon |
Lame ferme et doigts de coton |
En contrebas de mon jardin, il y a ce Narcisse qui ne veut pas faner tout à fait, et que j'imagine être une Jonquille qui aurait pâli sous l'étreinte d'un ciel capricieux.
Quand vient le moment de trancher sa hampe, au faîte du printemps, j'ai la serpette nostalgique. Soudain je me décide. Je coupe net et délicat. Je tiens dans ma main le bouquet d'une seule fleur séchée. Alors, du plus doucement qu'il m'est possible, je me penche vers l'Orge et dépose à la surface de l'eau cet hier aux yeux voilés d'un rien de mélancolie. Et je laisse la rivière l'emporter loin de moi.
À l'issant de mon jardin secret, il y a cette Jonquille au teint clair qui s'éloigne sans entendre mon murmure : "Au revoir... peut-être..."
(Une toute petite précision : au sens strict, la jonquille désigne une seule espèce du genre Narcisse, Narcissus jonquilla. Toutefois, on use parfois de ce vocable pour désigner d'autres narcisses, qui s'en approchent par la couleur et la forme. Une fois n'est pas coutume, cette entorse à la botanique n'est pas pour me déplaire. J'aime trop les jonquilles pour leur en vouloir de ne pas en être tout à fait.)
Coucou Geontran
RépondreSupprimerQuelle merveille que ces petits soleils lumineux qui savent si joliment fleurir lorsque l'hiver n'est pas tout à fait parti et le printemps pas encore arrivé
Myriades resplendissantes dans les jardins encore nus déshabillés par le temps qui passe avant un jour de retrouver leur jolis atours, ces fleurettes savent embellir cette nature encore en sommeil avant qu'un jour, après avoir brillé tellement fort, elles finissent par faner éteignant par la même ce soleil qui brillait simplement
C'est un très joli ode que tu leur fais et tes écrits toujours passionnants sont autant de soleil illuminant la toile
Merci pour cette belle parenthèse florale
des bises ensoleillées avec ou sans narcisses ou jonquilles
Bonjour Chris,
SupprimerLes narcisses sont un soleil de plus dans nos jardins, qui en comptent tant et tant !...
Ce n'est pas facile de les écrire ; ils ont le charme de nous échapper un peu. Ils résonnent avec mon histoire, avec de vieux rêves pas complètement éteints, et avec tous les printemps à venir !
Belle journée, Chris, d'un mois de mai décidément pluvieux.
Bonjour Geontran,
RépondreSupprimerOh oui! "Dire au revoir" et non adieu car l'an prochain, ces belles jonquilles pointeront à nouveau leur nez jaune pour illuminer ton jardin et offrir des sourires.
Quel plaisir de te lire.
Mes amitiés
Merci Denise,
SupprimerLa nature est une délicieuse succession d'au revoir !
Amitiés,
Bonsoir Geontran,
RépondreSupprimerC'est toujours avec émotion que je te lis car ta sensibilité est mienne et je me retrouve en toi par bien des aspects. J'ai toujours beaucoup de mal avec le caractère impermanent de toute vie. Heureusement, avec les fleurs, il s'agit bien du cercle de la vie (si tu connais Le Roi Lion, tu saisiras le clin d'oeil) qui n'est fait que d'au revoir puis de renaissances, saluées non sans quelque émotion ! Bien affectueusement !
Je te lis avec une émotion semblable. Il y a une forme de résonance un peu étrange entre mon ressenti et le tien, ta sensibilité, tes couleurs comme on respire, ta façon de vaciller - un peu - et de sourire - beaucoup.
SupprimerL'impermanence me fascine. Elle m'a jadis beaucoup inquiété (terrifié serait plus juste). Aujourd'hui elle m'enchanterait presque. La façon dont mon aînée a frôlé la mort a bouleversé l'idée que je me faisais de la vie.
Au fond, la grande beauté des sentiments, c'est notre fragilité seule qui l'autorise. Pour qu'un amour puisse être infini, il faut que son objet soit impermanent.
La conscience qu'on a de cette impermanence est un merveilleux cadeau qui nous est fait : celui de pouvoir aimer.
Ainsi nous pouvons renaître à chaque seconde.
Je t'embrasse.
Bonjour Geontran,
RépondreSupprimerGourmandise de la vie, les jonquilles sont nos soleils d'hiver. Parfois coiffées de neige elles nous indiquent le sentier du printemps. Bonne journée à vous.
Bonjour,
SupprimerUne jonquille sous la neige, c'est le printemps qui sourit à l'hiver.
Bonne et heureuse journée !
Très joli texte sur les jonquilles. Je maintiens l'espérance en ce "toujours" que nous offrent les fleurs qui reviennent au printemps.
RépondreSupprimerBonne journée.
Merci,
SupprimerLe toujours des fleurs, c'est notre toujours à nous : j'attends chaque année le printemps comme le faisais ma feue grand-mère. Et mes petits-enfants le feront pour moi demain...
Douce journée,
J'adore ce texte sensible, poétique et juste !!! Apprendre à lâcher,( c'est dur !)pour retrouver. c'est toute la vie...
RépondreSupprimerMerci Capucyne,
SupprimerC'est si vrai ! Retrouver, c'est souvent mieux encore que trouver.
Belle journée de printemps,
Bonjour Geontran,
RépondreSupprimerrien à faire, je n'arrive pas à coller sur les jonquilles, les vraies avec leur trompette jaune "beurre de ferme", l'appellation "narcisse"! Les jonquilles poussaient dans la prairie du bois près de chez mes parents, c'était une joie d'en cueillir pour les offrir à notre mère. On pouvait les mettre en vase dans la maison car elles sentaient bon! Je n'ai jamais croisé de narcisses dans les bois et puis, je n'en aurais pas cueillis, ils ont un parfum si entêtant! Quant au symbole, chacun y voit sa propre histoire, mais jamais la jonquille ne laisse indifférente. Bon dimanche Geontran! Bises de Brest
Ah, je partage ! J'ai oublié de parler de leur parfum... qui enchante pourtant mon salon et mon bureau chaque année ! Non, jamais elles ne laissent indifférent. La jonquille est fleur universelle, et pourtant propre à chacun.
SupprimerBelle, douce journée. Un mardi, c'est un mercredi qui éclot.
Compliments Geotran, tout simplement, voilà une ode à la jonquille qui se laisse savourer, infiniment. On y revient toujours ! Un grand merci pour ta si délicate poésie. Et une douce journée de reprise.
RépondreSupprimerMerci Maryline,
SupprimerLes jonquilles sont poésie sans main d'homme. C'est facile de s'improviser poète avec elles !
Doux mardi, d'éclaircies et d'un peu de pluie.
comme toi, j'attends le printemps après la froidure pour les jonquilles (ou narcisses, je n'ai toujours pas compris la différence!) c'est pour moi le renouveau! de quoi? de tout, le renouveau de la vie!
RépondreSupprimermerci pour tes jolis mots, encore un poème que j'apprécie!
bises de Bretagne
Les narcisses et autres jonquilles (en fait les jonquilles sont une espèce de narcisse, qui est un genre très large) nous annoncent les jours meilleurs ! Sans faillir, chaque année.
SupprimerBises de Paris au vent breton.
Bonjour Geontran
RépondreSupprimerJe découvre ton blog par l'intermédiaire de celui de Christine !
Un blog rempli de poésie...Je m'abonne ;)
Bonjour Jacqueline !
SupprimerJe découvre seulement ton message (j'ai tant de retard hélas dans mes lectures !)
Je file découvrir ton jardin !