Il y a dans un jardin lointain la promesse d'un rosier. L'élu-attendu porte le nom d'Yves Piaget. C'est une magnifique création de Marie Louise Meilland, dont les fleurs froufroutantes évoquent celles des pivoines.
La jardinière qui a choisi ce rosier (entre tous) a eu la délicatesse de me demander conseil (entre tous) au moment de le planter. Le moment propice, l'emplacement idoine ; des questions simples auxquelles je pouvais répondre. Bien que je ne connusse pas grand chose à la culture des rosiers, je lui ai confié ce pas grand chose en espérant qu'il lui servirait un peu.
Sombres pensées ne résistent pas à la tiédeur du levant |
Elle m'a avisé : il affrontera une terre pierreuse, sèche, pauvre ; il subira la cyclothymie d'un soleil glacé l'hiver, brûlant l'été. Survivra-t-il à ces conditions difficiles ? Ira-t-il jusqu'à se plaire ? Fleurira-t-il seulement jusqu'au regard de celle qui l'aura planté, nourri et arrosé ?
Je connais la femme derrière la jardinière - peut-être même lui ai-je offert autrefois quelque bouquet au cœur duquel avait chu le mien. Oui, je connais la femme derrière la jardinière, et je lui souhaite toutes les roses du monde. Elle les mérite largement, sans compter celles que je lui enverrai en pensées. C'est amusant, mélanger les roses et les pensées - c'est un peu comme si l'on offrait à une reine la modestie qu'elle ne saurait réclamer.
Mes pensées sous la rose |
J'enverrai une rose en pensée pour chacune de ses humeurs :
Les roses qui éblouissent comme un soleil d'août ; celles que l'on regarde avec le nez, les yeux clos, prisonniers d'une joie indéfinissable. Celles qui étaient plus belles encore avant d'éclore, quand leurs boutons blanc-rosé demeuraient un mystère. Les imprévisibles enfin, dont chaque aperture donne une représentation nouvelle.
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Certains rosiers sont parfaits sans avoir besoin de l'être vraiment. S'y piquer même peut alors apparaître comme un privilège. Certaines femmes présentent cette même singularité, et la goutte vermillonne qui perla jadis à mon âme témoigne de cet achèvement.
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Il y a dans mon jardin un rosier 'Yves Piaget'. Je l'ai planté dans la ferveur d'une faveur qui me fut faite, d'abord ; mais aussi en cas qu'une bouture devînt un jour utile à faire revivre un jumeau disparu. Car il en est des rosiers comme du reste : les chances - quoiqu'on prétende - ne sont pas équitablement distribuées.
Celui-là sera exposé aux soleils d'est et ouest à la caresse soyeuse. Ses racines seront enrobées d'une terre riche, un peu collante (je préfère : attachante). Cette glèbe sera amendée sans excès. Ce rosier sera bichonné - un peu plus encore que les autres. Il se plaira comme il me plaira. Il se plaira sans difficulté.
Je lui ai choisi pour voisins : un kalimeris 'Shogun', qui chatouillera ses branches basses sans leur ravir la vedette ; une pivoine herbacée modeste, botanique, qui masquera ses bras nus au printemps ; une euphorbe au feuillage pourpre, pour le contraste ; un beau miscanthus enfin, dans le rôle ingrat et irremplaçable de la toile de fond.
Terre nue, cœur vêtu |
Il fleurira à pleines roses, et je pleurerai comme un passé jeune homme devant l'ourlet fait à mon cœur. Si j'y prends garde, peut-être entendrais-je l'écho d'une émotion résonner à mon ressouvenir.
C'est là une étrange proposition : et si Yves Piaget, rose horlogère, m'offrait un voyage dans le temps ?
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Il y a et il y aura, à plus de mille lieux l'un de l'autre, deux rosiers jumeaux, deux cœurs amis qui joueront à cache-cache - comme ils savent le faire depuis deux demi-vies.
Dans un autre langage, on dirait d'eux qu'ils sont deux voix combinées en canon à l'octave.
Beaucoup de poésie dans votre billet. On n'a jamais assez de roses.
RépondreSupprimerBonne journée.
Merci !
SupprimerJe partage sans conteste cette sentence, qui devrait avoir valeur d'axiome pour toute personne possédant un jardin. Car le monde ne compte jamais assez de roses.
Bonne journée,
Pierre.
Les roses sont coquines : au bal costumé des fleurs, elles endossent parfois des habits qui trompent leur monde. Il y a ainsi des roses-pivoines, des roses-tulipes, des roses-renoncules, des roses-dahlias...
RépondreSupprimerMerci pour ces moments de lecture si poétique.
Dominique
Et des roses-roses. Mais elles sont rares !
SupprimerC'est vrai, l'homme a fait du rosier, qui a l'origine comptait cinq pétales d'une désarmante simplicité, une hydre a mille têtes - qui sont autant de joies.
Bonne journée Dominique ;
Toutes mes amitiés,
Pierre.
Les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs et pourtant, chez toi, cela semble bien fonctionner. Je n'axerai pas mon commentaire sur l'horticulture mais sur tes propres mots "les chances..... équitablement distribuées." Tu nous en donnes ici même la preuve avec le talent que tu as à écrire ce billet. Un moment de plaisir que de venir promener mes pas dans tes allées fleuries et mes yeux sur les sillons de ta prose. (sourire)
RépondreSupprimerMerci ! merci !
SupprimerMes allées ne sont rien sans vos pas, ni ma prose sans vos yeux.
quelle belle promenade dans les jardins du coeur. j'aime beaucoup les roses, qui surmontent les premiers froids, dans ma région sans mot dire. Elles reviennent enchanter le regard au printemps.. merci pour ce billet où la poésie pousse allègrement entre les rosiers.
RépondreSupprimerMerci Sedna,
SupprimerIci les roses attendent, le feuillage timide, sans oser faire bouton.
Nous les attendons paisiblement.
Pierre
Merci Pierre pour tes mots.
RépondreSupprimerQue de poésie dans ton jardin où chaque fleur à sa place, chacune bien entourée et ton rosier s'y sentira choyé, il sera merveilleux et réjouira tous les coeurs de ton entourage.
Petit rosier deviendra grand, que du bonheur dans ton beau jardin, il pourra écouter les jolies mélodies de ta chère fille.
Bel après-midi et mes amitiés.
Bonjour Denise,
SupprimerGuitare et rosier feront une douce mélodie : il y a justement à côté de lui un petit banc, où s'asseoir pour jouer.
Bel après-midi, un bouquet d'amitiés.
Pierre
je viens de passer un moment à m’enivrer du parfum de ta rose, à m'envelopper, au fil de la lecture, de ses pétales, à approuver la prudence qui t'a fait mettre en écho un autre rosier, bref, à me bercer de la fleur et de la poésie...et je cours essayer de voir à quoi ressemble ton Yves Piaget...et j'adore ton jardin de fleurs...
RépondreSupprimerMerci Capucyne ! Mon jardin cette année commence à atteindre le stade de l'adolescence, on peut enfin mieux en profiter. Yves Piaget est un très beau rosier, et j'aime ne pas l'avoir choisi moi-même.
SupprimerBonne journée ! Ici les oiseaux chantent !
Pierre
coucou Pierre
RépondreSupprimerTu sais, j'ai toujours cherché le poète qui saurait d'un coups de crayon attirer mon oeil et mes pensées vers des textes ou l'un d'eux en particulier, c'est comme d'être assis à feuilleter un livre et soudain la bouche s'entrouvre, le souffle se calme, le corps et l'âme sont attirés par une histoire pleine de beauté et de cette vie presque rêvée
Tu conjugue en quelques lignes ce qui fait l'attrait de la poésie car toi mieux que quiconque sait la conter avec amour et tendresse, tant de choses passent sous la mine de ton stylo (flute, c'est un clavier, la loose)
Vivement d'autres écrits, c'est réellement un plaisir que de te lire
des bises ensoleillée d'une champagne encore frisquette
Merci Christine, ça me touche infiniment.
SupprimerJ'aime lire le mot tendresse, autant que l'écrire.
Quand la tendresse fait écho, alors le monde va mieux.
Bises d'ici à la Champagne.
Pierre.
C'est si beau que j'ose à peine commenter, ta prose est un délice quand on la lit, mais se fait intimidante quand il s'agit de prendre la plume virtuelle... Bref, encore une fois, j'ai adoré flâner entre les lignes de ton article ! Et quel joli mystère, ce rosier dont tu nous dévoiles tant de choses sans nous livrer d'image de ses fleurs... J'ai d'abord laissé mon imagination vagabonder, mais je n'ai pas pu résister à l'envie de googler son nom, et je crois pouvoir dire sans m'avancer que sa floraison (ou plutôt la floraison de ces rosiers jumeaux) sera à la hauteur des mots que tu as choisis pour nous en parler !
RépondreSupprimerBonne soirée et merci pour tes articles, véritable bulle de bonheur et de rêverie au milieu de mes journées parfois un tantinet trop terre-à-terre !
Ton commentaire se fait lui aussi bien intimidant pour moi au moment d'y répondre.
SupprimerAlors : mille fois merci, simplement. Et une fois de plus pour le mot mystère, qui me tient tant à cœur.
Pierre.
En voilà une jolie balade dans ton jardin de printemps et dans celui à venir pour l'été! Ma tante cultivait cette rose, Yves Piaget qu'elle comparait à un oeillet, je me rappelle de son parfum envoûtant :-) Il me semble qu'elle était à l'ombre des arbres l'après-midi et que cela ne portait pas ombrage à son épanouissement. Bravo à ta fille pour cet air de guitare, il y a beaucoup d'accords complexes ( j'en ai joué à l'adolescence, avec un doigté de harpiste comme l'avait laissé entendre mon prof ;-) )Bonne soirée Pierre!
RépondreSupprimerMerci Nathalie ! Je suis très content de te lire dans mon jardin !
SupprimerOui, j'ai lu que son parfum était à la hauteur de sa beauté. J'ai hâte d'y plonger yeux fermés !
Merci pour la demoiselle, qui d'ailleurs aimerait beaucoup essayer la harpe. Elle a joué de la guitare à Brest le week-end dernier, tu as peut-être perçu quelques notes s'en venir au vent.
Bises !
Pierre.
Tu n'as pas ton pareil Pierre pour enchanter les mots, pour chanter l'amour de la femme et des fleurs. J'adore dans celui là de tes merveilleux poèmes, tout particulièrement : " l'ourlet fait à mon cœur", " Si j'y prend garde peut-être entendrais-je l'écho résonner à mon ressouvenir" ou cette "rose horlogère" ..... Je partage il me semble avec toi tellement cette nostalgie du souvenir et de l'avant et savoure ton talent de conteur et d'enchanteur. La distance n'est rien quand on entre en communion me semble t-il. Des bizzzzh d'un Finistère où il fait bien doux au jardin.
RépondreSupprimerBonjour Maryline.
SupprimerJe suis convaincu de partager avec toi cette nostalgie. Certaines âme aiment à se trouver entre pluie et soleil. Oui, c'est pour moi un voyage quotidien. Goûter le passé ne gâte pas le présent, quoiqu'on en dise parfois.
Quant à la distance, tu as mille fois raison : elle n'existe ni pour l'esprit, ni pour le cœur.
Amitiés de mon jardin, regard joyeux au-dessus de ma rivière.
Que de belles fleurs dans ton jardin : les pivoines me rappellent celles de ma grand mère paternelle, quand j'étais petite. Elles formaient un buisson contre le mur de la maison. J'adorais. Les rosiers fleurissent maintenant, et en mai. Ils n'aiment pas du tout les fortes chaleurs. Il faut donc en profiter maintenant. Merci pour tes mots et tes pensées magiques, très intimes. J'ai un ancien rosier qui ne fleurissait plus depuis 8 ans et qui a fait il y a quelques mois une nouvelle pousse, à côté du pied initial. Il a deux boutons, je suis très contente de le voir de nouveau près à fleurir. Je désespérais et comme j'adorais la couleur jaune orange des roses, je guette l'ouverture du 1er bouton.
RépondreSupprimerComme toi je guette les premières floraison de mes rosiers ! C'est toujours un moment émouvant.
SupprimerEt comme toi j'adore les pivoines, et les souvenirs qui vont avec.
Bonne après-midi Elisabeth !
Pierre.
Bravo à ta petite guitariste. J'ai fait une faute : je voulais dire "le voir de nouveau prêt à fleurir"....
RépondreSupprimerMerci ! Je lui ai transmis : elle joue pendant j'écris. Et le monde s'arrête de tourner...
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