jeudi 10 décembre 2020

L'amie au loin (la mer - II)

Une amie, amoureuse pratiquante de la mer - elle s'y balade à dos de bateau - m'a récemment écrit : "tu sembles plus terrien". 

Terriens - marins quand la terre tangue

C'est vrai, je suis plus terrien, lui ai-je répondu. Mais je demeure sensible à la mer, son mystère, sa force noyée d'immensité. J'aime sa tranquillité de faussaire, son eau qui ne dort que d'un œil - le bon ou le mauvais, allez savoir. Son calme est feint ; sa torpeur est fausse. J'admire autant que je crains son sommeil puissant et fragile. 

Elle dormait - et voici que l'instant d'après, elle se fracasse en mille larmes contre la roche ! Son objectif ? Briser le quartz, dévorer le continent. Si elle n'y parvient pas, peu lui importe : elle érodera le feldspath, lentement, assurément. 

La mer a le temps pour elle. On aura beau balancer tout le plastique du monde dedans, à la fin, c'est elle qui gagnera. Nous connaissons tous la couleur bleu océan de notre terre vue du ciel ; nous feignons seulement de l'oublier. La mer gagnera, j'en suis convaincu - avec ou sans ou contre les hommes.

Fausse colère et vraie merveille

J'ai les deux pieds dans mon jardin, je pourrais me sentir à l'abri ! claironner ! mais je demeure méfiant... Je ne me fâcherai pas avec la mer. Même absente, elle est là qui gronde ; dans ma rivière, dans l'eau du ciel. Si je la provoque, mon jardin pourrait bien dessaler, motte par motte, de l'Orge jusqu'à la Manche en passant par la Seine.

Rivière se fait bras de mer

Du jardin à l'embouchure - quelques encablures

La mer au loin est mon amie.

Ancré profondément dans ma terre ferme, j'aime savoir que quelque part, loin de moi, le vent secoue les criques : il passé par ici, mince filet de brise d'automne ; il ressortira par là, entre ciel et mer et terre, dans un rugissement de granit. Le vent est le vieux compagnon de la mer. Quand il se lève sur mon jardin, j'aime penser qu'il vient me visiter avant de s'en retourner la caresser.

Il reste toujours quelque chose de la mer dans le cœur de celui qui l'a fréquentée jadis. Après avoir fui Brest et m'être brûlé contre Paris la lumineuse, j'ai été un habitant-voyageur des côtes d'Armor, le temps d'une parenthèse aux frontières ennuagées. J'ai appris Plouha, Binic et la baie de Saint-Brieuc à la façon d'une poésie que l'on retient sans s'y efforcer, tant est vif le plaisir de la lire et la relire encore.

J'ai l'impression aujourd'hui d'avoir toujours connu la côte escarpée qui lie ces lieux. Elle s'est si bien imprimée dans ma mémoire qu'elle en a épousé les formes primitives. D'une certaine manière, je suis né là-bas à nouveau ; longtemps après être né ailleurs ; avant de convoler avec le Hurepoix en troisième berceau.

De mes limbes elles sont la lymphe - les falaises de Plouha

Secouez ! la mer se fera ciel.

Vingt kilomètres, nous a-t-on accordé. Je ne vous cache pas que j'ai tendance à arrondir à la décennie supérieure. Mais cela reste un peu court pour saluer de la main une amie éloignée.

Mais peu m'importe, car si le vent souffle de la côte bleue jusqu'à ma verte forêt, peut-être recevrais-je un peu de la fleur de son sel.

La mer est mon amie au loin. 

Et mon amie au loin fait pousser des plantes sur la mer. Chacun de ses courriers est plein de mots joyeux, fleurs d'amitié aux racines nues, que je replante, joyeux par ricochet, dans l'hiver accueillant de ma terre argileuse.


Voyage en mer lointaine











8 commentaires:

  1. Brest , c'est la rudesse marine, l'âpreté, et tu ne me sembles ni âpre, ni rude (encore que, qui sait ce qui se loge dans la diversité de l'âme)...la mer me semble à la fois âpre, l'hiver, (et là, je l'adore) ou toute douce endormie sous le bleu du ciel et le clapotis des vagues...Elle est comme la montagne en somme, comme toute la nature, elle est tout à la fois, clame et terreur.
    ..

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    1. Bonjour Capucyne,

      Comme c'est justement écrit.
      La nature est tout à la fois... et nous sommes une joyeuse partie d'elle.

      Je te souhaite un très heureux week-end dans ton joli jardin avec tes visiteurs à plumes et poils.
      Geontran.

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  2. La mer et sa beauté, sa fausse douceur et son calme relatif, elle emporte avec elle le coeur des voyageurs qui un jour ont rêvé d'horizon
    Comme toujours tes textes sont très beaux
    Merci pour cette ballade en terre bretonne qui sait si bien te faire vibrer
    Des bises pluvieuses, ça drache fort ici

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    1. Merci Christine,

      Ah oui, la terre bretonne est une source inépuisable de sentiments, souvent contradictoires, mais toujours fortement ressentis.

      Bonne journée et bon week-end - pluie fine et vent léger.

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  3. Bonsoir Geontran,
    Les rivières et fleuves sont les vaisseaux sanguins de la Terre et la mer en est le cœur. La Terre, ce radeau de la mer nous rassure. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Quelque part nous sommes issus de la mer et nous y retournerons un jour. Votre texte comme toujours est merveille à lire. Bon week-end Geontran

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    1. Bonjour Canardjaune,

      Les vaisseaux sanguins : comme c’est joli. C’est vrai, nous sommes sur un radeau ; si bien que parfois on perçoit le mouvement de l’eau sous la coque. On ne s’y arrête pas, évidemment, en bon terriens sûrs de nous.

      Bon week-end itou,
      Geontran

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  4. Bonjour Geontran,

    La mer est fascinante, chaque jour différente tout comme la montagne que j'aime voir verte ou habillée de blanc. Mer et montage offrent un magnifique spectacle que l'on ne peut oublier. La nature est belle et attrayante même dans nos jardins.

    Merci pour ton très beau texte.

    Que ta journée soit belle et agréable.

    Bon week-end

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    1. Bonjour et merci Denise,

      La mer et la montagne en commun beauté, immensité, mystère. J’ai grandi près de la mer ; j’aimerais vieillir en montagne. Nous avons la chance d’avoir ce choix.

      Belle journée, redoux marqué ici - les rosiers pourraient bien nous offrir quelques fleurs.
      Geontran.

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