L'abeille (ou le bourdon)
Entrée (Géranium 'Johnson's Blue') |
... Je prendrais le temps de bourdonner au milieu des bourdons (ou des abeilles), crânement, pour profiter de l'air chargé de couleurs appétissantes. Je jouerais des ailes pour me poser sur la corolle de la fleur la plus alléchante. Je choisirais ma cible avec délectation ; je ferais la fine trompe, à la manière d'un amateur de vin déambulant dans les couloirs des Hospices de Beaune. Je tâcherais de deviner le nectar sous la fleur, le pollen sous la feuille. Je me dirais que le jardinier de ces lieux est un ami, et que je pourrais bien être la sienne en retour.
En amie, je polliniserais quelque fleur au hasard de ma récolte : un prêté pour un rendu, une gourmandise contre un délice ; à moi les fleurs, à lui les fruits ! Comme le monde est bien fait quand on l'habite dans l'abimer !
Plat (Salvia uliginosa) |
Je dirais avec malice que, tout de même, ça change de la bourrache et du sureau qui peuplent les prés alentours. Je trouverais à ce garde-manger des airs de restaurant gastronomique, avec ses huit sauges à la carte, son carpaccio de scabieuses, sa salade en camaïeu d'ipomée relevées d'un sel de zinnia, suivie, pour digérer, d'une douce gorgée de géranium. Je m'enivrerais du parfum d'un abricotier posé sur un tapis de Trèfle blanc, gazon négligé en mon honneur, comme un goûter sur une nappe.
Dessert (Trèfle blanc) |
Je feindrais d'y faire la sieste, et je retournerais au travail en bourdonnant un air entraînant.
Un deuxième dessert pour la route (Zinnia 'Polar Bear') |
Si j'étais une abeille (ou un bourdon) en mon jardin, résolument, j'emprunterais au printemps ses couleurs et sa joie. Je les lui rendrais à la nuit tombée, pour qu'il continue longtemps à moirer la lumière tamisée des terrasses. Je m'endormirais dans la langueur étrange des croassements de la berge noctambule.
Et une petite mignardise avec le café (Ipomoea purpurea 'Carnaval de Venise') |
Je ne dormirais que d'une aile. J'aurais le sommeil plein de rêves, et léger, pour m'assurer de me réveiller au premier rayon du soleil. Oui, j'aurais le sommeil léger, léger, léger comme un vol de nuit. Je le quitterais pour mon vol de jour, beau comme l'aube endormie. J'offrirais un petit, un tendre morceau de vie à ceux qui auraient le privilège de contempler la naissance d'un jour. Un jour de plus, un jour comme les autres, un jour unique, un jour de joie.
Alors, je volerais à nouveau, jusqu'au soir épuisé.
Et puis...
... Je recommencerais !
(Pour la petite histoire, les bourdons, comme les abeilles, sont des apidaes, qui ne produisent qu'une quantité très limitée de miel, mais sont d'infatigables pollinisateurs de nos jardins, pour le plus grand bonheur de nos fleurs, nos fruits... et donc nos appétits. Le "faux-bourdon", lui, est le mâle de l'abeille ; il ne butine pas.)
Bonsoir Geontran
RépondreSupprimerToujours des textes magnifiques et des accords parfaits, je suis admirative
merci de ces beaux écrits que tu nous offres
Continu surtout
@ bientôt de te lire (à nouveau)
Merci de les lire, et de les commenter si gentiment. Ça donne envie d'écrire !
Supprimermoi aussi je suis sous le charme de tes mots, tu fais de ton jardin le paradis des petites abeilles & des bourdons!
RépondreSupprimersans abeilles, bourdons et autres pollinisateurs, le monde mourra, à coup sûr..
j'espère ne plus être là à ce moment là, cela est trop douloureux (harro sur les pesticides, herbicides et autres, je suis militante)
bon WE et à tout bientôt
Merci Catherine. Oui, je choisis volontairement des plantes mellifères. Ma sauge des marais, c’est un vrai bar à bourdons ! De loin la plante la plus visitée du jardin !
SupprimerJe suis un optimiste : je vis en me répétant que l’humanité prendra forcément conscience de sa folie avant qu’il ne soit trop tard. Au fond de moi, hélas, je n’y crois pas du tout. Mais j’ai besoin de cette illusion pour me lever chaque matin.
Bon week-end !
Ta carte de menus pour les abeilles et les bourdons m'a fait doucement rigolé, car la poésie est dans chaque mot et en même temps que les "bourdonneux", je me suis régalée ;-)
RépondreSupprimerL'autre jour, j'observais une abeille affairée autour d'un dahlia et la trouvais étrange, toute picotée de points blancs. Quand elle s'est envolée, éparpillant ces points blancs autour d'elle j'ai compris qu'elle s'était tout simplement vautrée dans le pollen et qu'elle en était complètement recouverte,c'était une abeille boulimique! Les fleurs des sédums attirent beaucoup les pollinisateurs aussi mais il faut un peu de temps pour apprécier leurs grandes tiges raides! Bon dimanche Géontran!
Les sedum sont un cadeau que la nature offre aux butineuses - aidée par la main des jardini(è)r(e)s, bien sûr. C’est une saison moins luxueuse que le printemps ; les fleurs d’automne leur sont très bénéfiques ! Et ce n’est pas ton abeille boulimique qui nous dira le contraire !
Supprimerça donne envie d'être une abeille (ou un bourdon), mais malheureusement le menu n'est pas toujours si appétissant partout comme chez toi ;-)
RépondreSupprimerBelle journée :-)
À notre façon, Estelle, au regard de notre amour des fleurs, nous sommes - un peu - des bourdons (ou des abeilles), non ?
SupprimerC’est sûr, l’homme n’est pas vraiment l’ami de ses meilleures alliées. De manière générale, l’humanité a une curieuse façon de remercier la nature pour les cadeaux qu’elle lui fait...