Nous marchions confiants et joyeux sur un sentier familier lorsque le vent s'éveillant nous souffla que l'aventure couvait sous nos pas.
Il usa des arbres pour siffler, chuinter, crisser ; chuchoter à basses branches le conseil d'un ami. Nous cessâmes tout mouvement : quand le vent prend soin de vous aviser d'un danger, la sagesse commande de l'écouter. Nous retînmes ainsi notre respiration quelques secondes pour lui accorder mieux encore notre attention.
La brise avait tourné doucement, et nos yeux avec elle. Notre regard plongea vers la gauche en contrebas d'un léger talus où s'étalait une large fosse. L'aventure nous tirait par la manche. Nous nous laissâmes submerger par l'attrait de son sel exotique et avançâmes vers l'inconnu d'un pas que nous voulions résolu... mais qui n'en demeurait pas moins prudent.
Sage précaution !
À peine un mètre devant nous s'ouvrait un précipice qui eût donné le vertige à un bouquetin des Alpes. Il fallait écarquiller les yeux pour distinguer le sol sur lequel s'entassaient des cailloux tranchants comme des fers de haches. Malgré la peur, nous ne fîmes pas demi-tour : de l'autre côté de la gorge, une vingtaine de mètres face à nous, un éden nous attendait. Là-bas, la douceur de la mousse faisait canapé d'ouate, les arbres fruitiers scintillaient de mille délices, des lianes magnifiques tissaient une cabane naturelle à l’aplomb d'un tronc séculaire. C'était le sourire de la forêt, et il nous était adressé.
Entre nous et notre paradis, un arbre paraissait s'être déraciné délibérément pour fonder une passerelle. Son tronc était posé à l'horizontale au-dessus du vide. Nous n'avions pas le choix : pour atteindre l'olympe auquel nous aspirions, il nous faudrait emprunter ce pont frêle et instable dont le diamètre dépassait à peine celui d'un crayon gris. Nous hésitâmes, les jambes flageolantes. Dans les arbres face à nous, les mangues et les goyaves se mirent à briller plus fort, comme pour nous signifier combien étaient mûres à point. Nous décidâmes de tenter la traversée.
Je posai le pied sur le bois pour m'assurer de sa solidité et entrepris d'avancer prudemment. Puis, je me tournai légèrement sur le côté afin de proposer à mes trois compagnons de voyage le secours d'une main attentionnée.
Ma fille cadette, aînée de cette expédition, montra l'exemple sans faillir. Elle traversa, jambes souples et gorge serrée. Sa propre cadette lui succéda avec un courage égal. Enfin le benjamin de l'expédition se lança, mû par un feu de témérité que venait attiser la gourmandise. Il manqua de glisser deux fois ; et deux fois il reprit vaillamment le cours de son exploit. Mais le pire était à venir. Nous n'étions qu'à une enjambée de notre terre promise lorsqu'un serpent s'enroula autour de sa jambe. C'était un de ces mambas verts qui vous tuent un bœuf d'une seule morsure.
Que croyez-vous qu'il se passa ? Ce fut le serpent qui glissa.
Nous étions saufs !
Nous étions saufs. Nous étions libres.
Libres de profiter des mille et une douceurs que nous offrait la nature - dont la saveur, décuplée par notre prouesse, de délicieuse devint inoubliable.
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Je vous offre à présent de découvrir ce récit en images. Ainsi mesurerez-vous la puissance sans borne de l'imagination. Froussards s'abstenir !
Un vertigineux ravin ! |
La promesse de fruits exotiques mûrs à point ! |
Une passerelle mince comme un crayon de papier ! |
Une traversée d'une vingtaine de mètres ! |
Une centaine de mètres plus bas, des rochers tranchants comme des rasoirs |
La primeur à l'aînée ! |
L'attaque du mamba vert ! |
Soudain le luxe, le calme, la volupté : traversée réussie ! |
la forêt est un espace de liberté incroyable, et ton poétique récit le démontre bien, bravo à vous tous d'avoir bravé tant de dangers pour des fruits mûrs à souhait!
RépondreSupprimerbonne fin de semaine, des bises à ces jeunes gens si téméraires!
catherine Côté Terres ( mon blog est parti dans les limbes de l'internet😥)
Bonjour Catherine,
SupprimerOh, comme c'est triste pour ton blog. Sais-tu qu'il fait partie de ceux qui m'ont donné envie de me lancer ?
C'est vrai, la forêt est un endroit unique et étrange, d'une liberté folle. On s'y ressource comme nul part ailleurs.
Toutes mes amitiés,
Pierre
J'adore ces ballades en forêt mais c'est presque un luxe aujourd'hui de pouvoir s'y promener en toute liberté, chemins tracés, panneaux d'interdiction de circuler et de propriété, j'en passe
RépondreSupprimerCe fût une belle aventure parmi ces grands arbres parfois centenaires qui ont vu passer sans doute beaucoup de générations d'aventuriers
des bises venteuses mais ensoleillées
C'est vrai, tout est un peu trop balisé. Mais demeurent plein de sentiers de traverse et de vrais espaces sauvages dans notre pays. Comme je dis souvent aux enfants, on peut se perdre dans la forêt de Rambouillet. Et c'est un plaisir : j'adore me perdre en forêt.
SupprimerAmitiés au soleil voilé
Pierre
Tes enfants ont dû adorer cette aventure dans la jungle extraordinaire, peuplée de mille dangers ! je reconnais l'Elfe qui montre là, en plus de ses talents divers, un bel esprit d'aventure et de découverte !
RépondreSupprimerL'Elfe voit la vie comme une aventure.
SupprimerEt ce n'est pas moi qui la contredirai !
Bises Capucyne !
Ouf ! J'ai cru un moment que vous étiez castés pour un remake d'Indiana Jones ;-)
RépondreSupprimerTu as une fois de plus alimenté la boîte à jolis souvenirs de tes trois bambins intrépides. Ils l'ouvriront un jour, dans longtemps, et j'espère qu'ils ne se demanderont pas :" au fait, c'était comment, une forêt ?"
Beau week-end,
Dominique
Je crois qu'un jour, quand les hommes ne seront plus là, resteront les forêts qui auront alors remplacé les villes. Je n'en suis pas sûr, mais j'aime assez être optimiste, et la disparition de notre espèce me semble être la seule chance de notre chère terre.
SupprimerToutes mes amitiés !
Pierre
Bonjour Pierre,
RépondreSupprimerMerci pour ce joli récit d'aventure qui plaît aux jeunes pour aller à la découverte. C'est un peu comme dans les livres où il faut avoir l'oeil bien ouvert et au bout, la récompense dans une forêt enchanteresse. Bravo à vous tous :-)
Bises ensoleillées et bon week-end pour de nouvelles aventures.
Merci Denise, pour ce terme : enchanteresse.'est si vrai.
SupprimerBises ensoleillées, oui !
Pierre
Là tu me fais trembler avec ton histoire de passerelles au-dessus des ravins. Avec ta tribu vous vivez dangereusement mais je respire de nouveau à la fin de l'histoire. On peut toujours compter sur toi pour "a happy ending". Merci Pierre pour cette jolie histoire et les photos impressionnantes de votre aventure in the wild.
RépondreSupprimerBonjour Judith.
SupprimerOui, j'aime les fins heureuses. C'est mon côté profondément optimiste qui ressort !
Belle journée - le week-end s'approche.
Pierre
Quelle aventure extraordinaire si bien racontée. Toujours ces mots élégants et raffinés pour suivre ton équipage familial..
RépondreSupprimerMerci ! Notre équipage vogue d'aventures en aventures. Quand on a une imagination sans limite, chaque minute de chaque journée est prétexte à l'aventure.
SupprimerBonne fin de journée,
Pierre
Gloups, moi j'ai le vertige. Mais avec de tels acolytes, j'aurai tout affronté ;-)
RépondreSupprimerTest, c'est mon nouveau petit nom... Je ne sais pas ce que j'ai fabriqué, mais je vais devoir trouver la panne :D
SupprimerC'est Estelle... ;-)
Coucou Estelle-test ! J'étais certainement le plus effrayé de la bande... mais comme mes acolytes comptaient sur moi, j'ai trouvé le courage nécessaire.
SupprimerBonne soirée - les nuages arrivent ici.
😂
SupprimerC'était l'aventure et vous avez pu en sortir vainqueurs ! c'est beau la nature.
RépondreSupprimerMerci Elisabeth.
SupprimerNotre solidarité a été plus forte que les épreuves !
Pierre
Quand l'imagination est bel et bien au rendez-vous alors ce dernier est infiniment magique, et avec toi ils le sont toujours. Quelle tribu sublime d'osmose et de complicité. çà m'a en plus rappelé la fois ou à une dizaine d'années j'ai fanfaronné au-dessus d'une poutre qui traversait un petit étang et bien sûr je suis tombée dedans ! Bizzzzh enchantée Pierre.
RépondreSupprimerMon fils est tombé dans notre rivière de la même façon, en fanfaronnant devant ses sœurs ! Je suis sûr que ça lui fera un bon souvenir à raconter.
SupprimerBises gorgées de soleil.
Pierre
Pierre.