mercredi 10 octobre 2018

Les pensées de la marguerite

La parole du vent




quand papa jardine avec moi...
La main du jardinier, ici, ne fait que tenir la plume : c'est le vent qui écrit l'histoire.


À la différence de la marguerite, la pensée ne pense pas.

Elle n'en a pas besoin. Car le vent, qui danse avec ses graines un boléro qui semble éternel, lui offrira demain de se reproduire, ci et là, sans effort.

Alors notre pensée se contente de fleurir comme sourient les enfants : sans arrière-pensée.

Rien n'est décidé, tout est possible. 
Le hasard est son ami, la brise son taxi, le souffle de la nature son jardinier attitré. 

Tout est possible, rien n'est décidé.
La chance lancera le dé du voyage où bon lui semblera... 
Jusqu'où essaimera-t-elle ? 
Franchira-t-elle les frontières du jardin, de la ville ? 
L'humeur des courants aériens seule conduira son vol.

artanthemum arcticum et viola cornata
Viola cornuta : un clou d'or dans le mur d'un monde meilleur
 
Notre pensée n'a pas besoin de réfléchir pour briller. Elle compte au nombre des lumières discrètes et vives qui savent guider sans éblouir. Elle est un clou d'or que la nature elle-même vient planter, d'une caresse, dans le tableau du jardin - sans le blesser ni le heurter

Mais aujourd'hui - pour les besoins de notre histoire - elle sera aussi le clou dans la chaussure d'une marguerite.


Veilleuse de nuit



Notre marguerite, elle, pense et réfléchit. Elle réfléchit le soleil, déploie son ombre, prive la pensée de lumière. Ainsi, imagine-t-elle, elle me laissera la primeur de cette terre ! 

Son nom ? Arctanthemum arcticum 'Polarstern' : ouf !

Car notre vivace nourrit de toute la force de sa sève un projet simple : s'étendre aux dépens de ses voisines, comme un massif sans fin. Elle rêve d'immortalité, d'expédition, de terre neuve. Ses racines audacieuses sont prêtes à se lancer à la conquête de son vaste petit monde. 

Marguerite by night

Elle ne se repose jamais. Au crépuscule, quand d'autres fleurs ferment leur corolle, elle étend ses fleurons à l'horizontale, et fixe le ciel de ses capitules grands ouverts. Elle devient malgré elle la veilleuse de nuit de l'hôtel du jardin. Elle se donne ainsi aux bourdons noctambules... et au jardinier chanceux qui s'offre le luxe d'une promenade tardive

arcanthemum arcticum polarstern by night
De grandes assiettes éblouissent la nuit

À chaque instant, elle surveille la pensée du coin du calice. Et puis un jour survient où la pensée s'efface. Notre marguerite a le champ libre ! Elle a attendu longtemps, si longtemps qu'elle a des fourmis dans les racines. Elle voudrait bondir, jaillir du sol qui l'emprisonne, lancer une jeune pousse un peu plus avant ; mais elle ne bouge pas d'une feuille. Le temps passe, sans se presser. Enfin, elle sent l'eau remonter dans sa tige, sa sève battre un tempo joyeux, l’énergie l'envahir à nouveau !...

...Las ! La pensée, déjà, cède la place à une autre pensée, semis spontané et rieur ! Le vent hier a retenu son souffle ; et la graine est tombée à ses pieds. 

Et la marguerite de ruminer ses mauvaises pensées.







(Dans le rôle de la marguerite, laissez-moi vous présenter Arctanthemum arcticum 'Polarstern', différente des classiques Leucanthemum. C'est une vivace très vigoureuse, à la floraison tardive, aussi fournie que durable, à la croissance ultra-rapide, au port d'excellente tenue. Ses feuilles semblent de chêne et habillent la plante du pied à la tête. Enfin, sa rusticité est à toute épreuve. Au fond, elle n'a rien à craindre de ses voisines !)


10 commentaires:

  1. n'as tu pas effeuillé la marguerite afin que la pensée elle aussi, voit le soleil et la lune?
    cette fleur semble bien jolie avec ses pétales tout blancs!
    bon jeudi, ici il pleuviote, enfin!
    à bientôt Geontran
    (ha ma tante s'appelait Marguerite, j'ai toujours trouvé ce prénom charmant et désuet..)

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    1. Je n'ai pas osé...
      Ces pétales tout blancs, pour simples qu'ils paraissent, n'en sont pas moins impressionnants !
      (Il ne pleuviote jamais assez, parole de brestois !)
      Amitiés, Catherine,

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  2. L'espace d'un instant le poète jardinier que tu es s'est fait papillon, est entré dans le cœur d'une marguerite, a murmuré à l'oreille d'une pensée. Les fleurs les plus simples ne sont- elles pas celles qui nous touchent le plus au cœur ? Mais la plus jolie plume est indéniablement celle qui s'est posée sur la main tâchée de terre du poète jardinier. Admirable et enchanteresse prose poétique. J'adore tout simplement.

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    1. Merci, merci et encore merci. Se faire papillon, c'est avoir le cœur si léger qu'il peut se poser sur une fleur sans faire ployer la tige. C'est le plus beau des compliments.

      Je te souhaite un heureux et chaleureux vendredi.

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  3. Deux cavaleuses indisciplinés cherchant à gagner le petit bout de terre que l'autre convoite, conquérantes, solides, elles sont les jolies indispensables au jardin
    Pour ma part j'aime les pensées aux pétales noires, le coeur bleu ou violet, la touche de blanc au centre et enfin la petite pointe de couleur pour réhausser le tout, un bijoux
    Il faudra que je pense aux marguerites, belles dans toute leur simplicité, elles transforment un massif en lui donnant un peu de hauteur, il faut que je la rajoute dans mes plantes à acheter
    Je n'ai plus qu'à te souhaiter un très bel après-midi avec du soleil bien sur, ci il brille vaillamment après de grosses pluies cette nuit, le bonheur pour le jardin

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    1. Bonjour !

      Aimer les marguerites, c'est revenir à la simplicité de l'enfance. Il y en a des hautes, des basses, de presque toutes les tailles. Elles font de belles bordures, autant que de somptueux fonds de massifs. Et leur blancheur qui enrobe un cœur jaune est à elle seule un rayon de bonne humeur !

      Belle et douce journée, au soleil timide et aux températures clémentes.

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  4. Tu as le silence vibratile des saisons - là où s'épanouit la bourrasque des fleurs et l’humus patient. Jardin univers ayant délaissé les contraintes de l’énclos. Et le service a ce qui croît, jusqu’à nos cœurs sis trop parfois en plessis tressés d’oublis des capitules sans pourquoi.

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  5. Bonjour Geontran,

    mon âme d'enfant a bondi de joie en lisant cette fable si joliment écrite. Si l'une de ces fleurs est bien ancrée à la terre par ses racines et l'autre bien volage par ses graines offertes au vent, la morale pourrait bien être qu'elles sont inséparables malgré leurs différences et restent bien serrées l'une contre l'autre...pour plaire au jardinier!
    Bon dimanche Geontran! ici ce n'est que vent et pluie alors que nous voudrions un peu d'apaisement météorologique... Amitiés Brestoises

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    1. C’est vrai, une fable doit toujours offrir une morale au lecteur, à la lectrice ! La tienne me convient parfaitement. Le jardinier est admiratif des accords parfaits et inattendus que lui offre son jardin !

      Bonne soirée, Nathalie, à toi et à ton âme d'enfant.

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  6. j'aime te lire !! et le jardin nous transporte !!

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