Quand j'étais enfant, avec mon meilleur ami, et comme tous les enfants du monde, nous jouions à imaginer notre dernier jour sur terre. S'il n'en restait qu'un, que ferais-tu ? Après moult palabres ; arguments et contre-arguments ; thèse, antithèse, synthèse et nombre de foutaises ; nous avions arrêté un consensus. Si ce jour devait être le dernier, nous nous retrouverions dans notre cabane au milieu des genêts, face à la rade de Brest, et nous discuterions diem totum... comme nous étions précisément en train de le faire.
Bref, notre dernier jour sur terre ressemblerait comme un jumeau au jour présent.
Ce fut la plus belle des découvertes : nous aimions notre vie - en l'état.
Nuances de gris ; nuances de vie |
Jeudi 30 octobre 2020, j'ai repris cette récréation au vol. Sous l'écorce desquamée de mes cheveux qui grisonnent, la sève qui m'anime demeure celle d'un enfant. De ce confinement qui s'annonçait, j'ai donc décidé de faire un jeu du dernier jour. Que faire que je ne pourrais plus faire assigné à domicile ? Comment remplir mes placards de liberté ?
J'ai lu avec amusement que les franciliens s'étaient rués dans les magasins au point d'engorger les routes de la région à un niveau record. C'est une drôle de manière de profiter de sa liberté que de s'enfermer dans sa voiture, puis dans un magasin, et dans sa voiture à nouveau, la bourse vide et le coffre encombré de choses dont l'utilité n'est pas toujours manifeste (vous admirerez au passage mon sens de la retenue).
Décidément, plus les années passent et mieux je comprends les plantes, et moins je comprends les hommes. Dans ma vie précédente j'étais probablement un géranium. On a dû me punir car j'avais envahi une plate-bande voisine avec un peu trop d'enthousiasme. Hop, j'ai reculé de deux cases et je me suis réveillé dans la peau d'un homme.
Espérons que dans ma vie prochaine je serai une pivoine ou un rosier, histoire de reprendre le cours de mon ascension. Une vie d'humain, c'est amplement suffisant. Je retiendrai la leçon.
Autoportrait |
Mais - puisqu'il faut bien la vivre, cette vie d'humain - revenons à notre épineuse question : comment faire de ce fichu jeudi un jour sans regret ni remord ? Manger au restaurant ? Jerker en kilt dans les rues ? Cette dernière idée m'a semblé séduisante, mais n'en existait-il pas une meilleure ? Quand on ne dispose que d'une journée, il faut être sûr de son coup.
Alors j'ai repensé à ma cabane d'enfant. Je l'ai trouvée intacte et hospitalière derrière la brume du souvenir. Je m'y suis allongé, et je me suis rappelé mon ami d'enfance ; et avec lui nos jeux, nos évidences, notre joyeuse insouciance.
La vérité m'a inondé comme une pluie d'orage : ce jeudi, je ne pourrais rien faire de mieux que ce que j'avais fait la veille, quand la question du choix ne se posait pas.
Les enfants ont enfilé, qui un manteau, qui un simple gilet. Ils nous ont prêté un peu de leur entrain - dont ils ont une réserve sans fin et font un partage sans frein. Et tous ensemble, une chanson à la bouche et de l'humus plein les narines, nous sommes allés cueillir des cèpes dans la forêt de Clairefontaine.
Au retour, nous avons préparé notre récolte comme nous le faisons chaque soir depuis quelques semaines : avec trois pincées de fleur de sel, deux tours de moulin de poivre, et une danse de la joie.
Ce n'est pas une découverte : j'aime ma vie - en l'état.
C'était la dernière balade... avant la prochaine !
Feuille à feuille, tricote un à bientôt |
(Je vous souhaite à tou(te)s un confinement d'automne joyeux comme un printemps qui couve. Il est temps de faire des confitures avec les fruits que nous avons cueillis et du miel avec les délices que nous avons conquis. Voyageons de lectures en écritures, et d'écritures en récitations. Aimons. Réchauffons-nous de souvenirs, de projets, et surtout d'habiter le présent - du meilleur que nous pouvons.)
Pour finir - de recommencer ; myriade automnale :
Bijou d'automne (Aster ageratoides 'Harae') |
Rosier rouge sang fait potée joyeuse |
Contraste eau et feu - Isodon et Chrysanthème |
Des - bonnes - nouvelles du camphrier éponyme de ce blog |
Automne arachnéenne (oui, automne est féminin lorsque l'adjectif suit immédiatement !) |
Shakespeare-sur-Orge |
Cardiandra formosana - de la grâce le visage |
Saxifraga opera 'Lakme' (SUAP) - la plante kaléidoscope |
S'il n'en restait qu'un : Aster scaber 'Kiyosumi' |
Serti de fleurs précieuses |