mardi 26 mai 2020

D'une fleur une femme : Meconopsis betonicifolia



Mon amour, 
l'aveu de ma tendresse, 
mon pavot bleu,

Mon jardin était terre fissurée et sève de faïence quand je t'ai rencontrée. 

Rien ne t'obligeait à venir habiter mon jardin d'ombres et arbres morts, décombres et faux-décors. Quand j'y pense ! quel élan que le tien - quand personne n'était là pour te dire que tu avais (peut-être) raison ! Quelle confiance que la tienne, pour me l'avoir offerte sans l'exigence du retour ! 

Tu as épousé un homme blessé dont rien ne t'assurait qu'il guérirait, et tu l'as épousé dans un sourire. Tu m'as pris la main sans trembler. Tu as accueilli mon histoire, toute mon histoire, sans faire de tri, sans courroux ni tracasserie ; tu as accepté mon enfant à la santé délicate, et nos nuits blanches, et nos séjours à l'hôpital qui te laissaient seule et inquiète  

Tu as soufflé sur le passé d'une simple respiration, sans y penser ou seulement escompter. Sans jamais me demander de vider mes placards, ni achever de faire mes deuils, ni lever le voile qui recouvrait mes mystères. 

Tu es venue, simplement parce que tu savais et que tu sentais que je savais, moi aussi. Pour nous c'était largement suffisant. C'est exactement ça : j'ai su tout de suite, dans la douceur qui m'envahissait, que le sable de mes songes t'offrirait la terre qui te siérait. C'est cela aussi, l'amour : la confiance retrouvée, en soi, en l'autre, en un toi et moi.  

Je crois même qu'à force de t'aimer un jour je vais finir par me supporter...

Il y a neuf ans, je t'ai épousée, mon pavot bleu, échappée de ton Himalaya pour apporter une touche de couleur à mes nuances de gris. Le tableau de nos deux coeurs nous a offert un sourire mutuel. Alors, nous avons essaimé au vent délicieux, au hasard heureux, et notre famille s'agrandissant nous a révélé combien nous étions nous en plus d'être deux.

On dit souvent du pavot bleu qu'il est délicat et fragile. Ce n'est pas tout à fait juste : le Meconopsis betonicifolia garde au fond de lui ses secrets, voilà tout. Mais quand il se plaît, nulle éclipse ne résiste au bleu de son ciel, et les mauvaises herbes dansent à son pied sans parvenir à effleurer la finesse de ses chevilles. 

Sa couleur ne vous quitte jamais - pourvu que vous ne cherchiez pas à en capturer l'éclat.

 

Mon amour, 
l'aveu de ma tendresse, 
mon pavot bleu,

Mon Himalaya,

Nous avons célébré hier nos noces de faïence, et le jardin brillait de mille bleus pour me le souffler : chaque année que je passe à tes côtés est une promesse en même temps qu'un présent. 

Il y a - et il y aura encore - des mauvais vents, des mauvais jours ; mais il n'y a pas un seul matin sans mon sourire de t'entendre dormir près de moi.

Tu es la plus belle des énigmes et la fleur de ma vie. 

Je t'aime, c'est là le sel de ma joie.













vendredi 22 mai 2020

Le nom des fleurs



Si beau... et botanique : Iris graminea

Je t'apprendrai le nom des fleurs. 

Pas celles des fleuristes - tu les connais déjà.
Je t'apprendrai le nom des fleurs des champs, le chant des fleurs des chemins, dont le murmure survit aux chaussures.

Je t'apprendrai le nom des fleurs insignes, ingrates et merveilleuses, qui poussent sur les sols tassés par le pas des hommes, choses délicates que l'on piétine et qui se relèvent dans notre dos lorsque le soleil leur tend la main.

En ce moment mon fils repique dans notre jardin des matricaires discoïdes qu'il prélève sur le terre-plein qui jouxte son école fermée. Il a découvert que le feuillage de cette plante que nul ne remarque dégage un puissant arôme d'ananas. C'est un délice ! Elle s'épanouit dans les sols inhospitaliers que l'on gratte avec peine. Pareil exotisme sur une terre dure et revêche... Quelle ironie ! quelle magie ! mystérieuse, charmante nature !

Matricaria discoidea : ananas sur son lit de cailloux
J'offrirai à ton jardin d'indestructibles compagnes qui se ressèmeront encore dans cent ans, quand tes petits-enfants devenus grands-parents évoqueront ton souvenir au coin de ta fenêtre préférée.

Car tu as forcément une fenêtre préférée - n'est-ce pas ?

Donne-t-elle sur un rosier qui t'est cher ? Une clématite vive et folle qui te rappelle combien tu es heureuse ? L'ombre d'un arbre qui t'appelle pour la sieste ? Un fruitier que vous avez planté en famille pour fêter l'achat de la maison tant et tant rêvée ? Ou simplement la pelouse où jouent tes enfants ? Ce qui est sûr, c'est que de cette fenêtre tu aperçois une plante, quelle qu'elle soit. Une fenêtre, quelle aubaine - où se tenir seul(e) un instant, suspendu, pour y laisser filer le regard et l'esprit. Peut-être qu'en y regardant mieux en détails tu discerneras là quelque matricaire qui prospère, anonyme, loin des regards émerveillés que l'on réserve à la lavande : offre-lui le tien, de regard, dont je sais combien il réchauffe.

De ma fenêtre
Je t'apprendrai le nom de mes enfants ; je te dirai combien leurs mains dans les miennes ont offert à ma vie son interminable sourire. Tu me diras le nom des tiens dont la naissance m'est inconnue ; tu me raconteras ce que j'ai raté. Peut-être pleurerons-nous ensemble en silence, sans regret. Simplement pour célébrer les années rattrapées. Rattrapées par un fil. Le fil de l'amitié, qui se déroulait derrière nous sans que nous ne nous en aperçussions.


Le nom des plus belles notes
Je le sais : toute cette belle joie que j'écris au futur n'existera que si tu deviens mon amie, si je deviens le tien, si je brise le silence dans lequel tu m'as muré, si je contreviens à ce mutisme auquel j'ai acquiescé lorsque tu me l'as demandé. 

Depuis cette lettre par laquelle tu m'ôtas la langue et la plume, je t'écris une réponse que je recompose à l'envie, régulièrement, sans jamais l'envoyer. Je t'y refuse de perdre notre amitié ensevelie sous le reste - vécu jusqu'à l'abcès. Je sais qu'un jour viendra où je m'accorderai le droit de t'adresser ce signe, sans réel espoir de réponse, mais qui achèvera de faire taire mes regrets. 

J'aurai alors essayé de transformer le conditionnel en futur. L'amour fâné en amitié florissante. Comme le matricaire transforme la terre stérile en une délicieuse forêt d'ananas.

De l'amitié l'étincelle...
 ... la douce flamme - Meconopsis cambrica

mercredi 6 mai 2020

D'une phrase une fleur #7 Vancouveria hexandra

Dans une minuscule jungle - qui s'aventure à pas de feuille dans les massifs - des fleurs-clochettes tintinnabulent à l'oreille des insectes.


Dansant avec une Achillea crithmifolia...
A petits pas... empreintes de feuille

Ding !... (désespoir du photographe et joie du jardinier)


(Je vous parle ici d'une petite merveille pour amateurs passionnés... et patients. Car le Vancouveria hexandra, cousin de l'Epimedium, s'installe très doucement, délicatement, pour venir couvrir le sol sans jamais gêner ses voisins. Il apprécie la fraicheur et les terres humifères, ombre ou mi-ombre : dans ces conditions, il est inratable. Sa finesse ne souffre d'aucune comparaison, fleurs & feuilles. Vous l'aurez deviné, c'est un coup de coeur, un délice, une merveille. Mon pied m'a été offert il y a trois ans alors que je déambulais "sous un arbre perché" : je ne mesurais pas à cet instant combien ce cadeau ferait un jour mon émotion). 

L'autre fleur des elfes...

On croirait l'entendre tinter à bas-bruit...

Au pied du camphrier

Chères lectrices, lecteurs, Après bientôt quatre ans, agapanthes & camphrier va fermer sur ces dernières lignes. J'ai décidé de mig...