dimanche 17 septembre 2017

Les jours et la seconde

Nous avons tous nos jours las.


Qui voient nos têtes dodeliner de crainte et d'ennui. Notre angoisse, sourde à force d'habitude, paralyser nos rêveries. Accolée à notre cœur crispé, la sensation étrange d'avoir quitté notre trajectoire naturelle pour nous égarer dans un lieu qui ne nous ressemble pas. Ces heures dont les minutes s'étirent. S'effilochent en miettes d'un temps qui se fige dans nos iris fatigués. Nous nous sentons fleur blanche qui peine à illuminer le gris des murs.

fleur à ombrelles blanches sur mur gris
Ton ombelle contre le gris des murs

Nous avons tous nos jours las.

Je traverse au pas lent mes semaines de rentrée. Les rires de mes enfants me manquent. Mon propre rire me manque. Mon jardin me manque. Le temps, tout simplement, me manque. 

Du temps ! de grâce, du temps ! 

Du temps pour lire, écrire, danser et dormir au milieu des fleurs, m'asseoir sur la berge, regarder la rivière qui serpente entre mes rêves, sentir la pluie me tapoter les doigts, m'abriter sous l'épicéa, écouter l'averse carillonner à ses branches, jouer à l'ignorer... et puis entendre mes enfants m'appeler. Courir, les rejoindre sur l'herbe grasse. Nous tenir la main, têtes renversées, bouches ouvertes ; boire quelques gouttes fraîches et claquantes avant de rentrer nous sécher.

L'automne est arrivé dans mon dos. Je suis rentré au bureau un matin d'été, j'en suis sorti un soir d'automne. J'ai raté la bascule des saisons.

Nous avons tous nos jours las.

deux paires de pieds et une rivière
Une simple seconde, et choir dans la joie

Mais nous avons aussi l'étincelle d'une seconde.

L'instant qui efface les jours comme le vent balaye les feuilles mortes. D'un revers de sa force vive. Qui pousse nos doutes dans le dos et les fait mordre la poussière.

Nous avons l'étincelle d'une seconde.

Cette seconde qui gomme les heures perdues à vouloir être ailleurs. Cette seconde où, dans les yeux de mon enfant, je vois le reflet du monde. De tous les mondes possibles. Le monde vaste qui conduit la valse du temps. Le monde modeste que nous bâtissons. Notre monde dans le monde. Notre coin parmi les couleurs. Cet espace hors l'espace qui nous a accueillis et dont nous prenons soin en retour. Notre royaume, où les trèfles sont rois et les pâquerettes sont reines. Notre refuge. Où la justice se rend sous un camphrier de quarante centimètres de hauteur - toujours en notre faveur. Où les déguisements ne sont pas des mensonges.

Quand je suis rentré samedi, l’œil terni par les embruns des jours gâchés, j'ai été accueilli par une paire d'yeux verts brillant de joie sous une crinière blonde. Je crois que ces yeux m'avaient attendu le temps de deux éclaircies et trois averses. Leur joie m'a gagné. Immédiatement.

père et fille coupent la menthe
Une seconde hors le temps
Alors j'ai jeté mon manteau, mon sac, mon ennui. Je les ai remplacé par une main dans la mienne, un panier, un sécateur

Elle et moi sommes allés faire un de ces fameux tours du jardin qui remettent les humeurs à leur place. Dans un ambiance pré-crépusculaire d'un gris-bleu vacillant. Un obscur-clair, comme l'éclat de nos regards. La silhouette d'une grande sœur nous a suivis en pointillés, à sa façon, l’œil avalé par la beauté des ombres, mi-présente, mi-lointaine. 

Nous avons ramassé des trésors : une pomme, un peu de menthe, une feuille aussitôt jetée dans la rivière, et qui s'en est allée par-delà le pont qui trace la frontière de notre pays imaginé. 

néflier japonais
Jolies fleurs deviendront-elles délicieuses nèfles ?

Nous avons admiré les joyaux étalés dans les mains automnales du jardin : le bourgeon prometteur d'un mahonia, les lanternes rouges du crinodendron, les grappes de fleurs du Néflier japonais. Nous nous sommes étonnés de cette part du jardin qui s'éveille pendant que l'été s'endort.

arbre aux lanternes
Crinodendron hookerianum habille les terres de bruyère de ses lanternes rouges

Nous avons compté ensemble les menus trésors de notre récolte : huit feuilles de menthe, cinq branches de Romarin officinal, deux de Thym citronné, trois de thym tout court, une pomme, beaucoup d'amour.

panier de récolte
 Surtout, beaucoup d'amour
 
Nous nous somme sentis vivants, légers, traversés par la joie communicative de l'aventure. 

En trois sourires, mon enfant, tu as eu raison des centaines de parisiens qui m'avaient adressé leur froideur dans le métro. En trois mots doux, tu as fait taire l'écho du bruit de la ville. En trois petits gestes de rien du tout, tu m'as rappelé combien j'aimais la vie. 

Et un petit geste de rien du tout, un ! Et deux sourires, deux !

Combien je t'aimais, combien je vous aime. Combien tout est si beau autour de nous. Combien à la faveur d'une simple fenêtre - et de mon imagination - je m'échapperai lundi.

Et s'il n'y a pas de fenêtre, peu m'importera : il me me sera toujours possible de fermer les yeux pour en dessiner une. Et derrière elle, le souvenir de cette petite seconde qui aura suffi à changer la lassitude en joie.

samedi 9 septembre 2017

Les mille fossettes du voleur de tomates


On hésite souvent à faire le portrait d'un jeune enfant. Je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être craint-on qu'il ne change si vite qu'entre deux poses on ne le reconnaîtrait pas. Pourtant c'est précisément cela, la beauté de la vie : l'assurance de ne jamais voir une même scène de la même façon. 

père et fils se baladent
Allons voir si la rose...
Dans notre empressement à nous illusionner, nous choisissons d'oublier que le temps nous transporte sur ses ailes. On feint d'ignorer le mouvement de la terre sous nos pas. C'est toi qui me rappelle à l'ordre. Toi mon fils délicat qui toujours varie - aussi régulièrement que tu respires. Tu me rappelles l'importance de la seconde qui s'en ira rejoindre les précédentes. Celle qui seule existe.

 

D'un sourire l'autre


oeil qui frise et sourire béat

Je vais écrire ton portrait, mon enfant. Peu m'importe que tu ne cesses jamais de bouger, de changer, de grandir. Te raconter, c'est photographier une ombre sur un mur. On te regarde, une seconde passe, et déjà tu n'es plus là. Tu es le tumulte du temps concentré dans un seul. Tu es la vie débarrassée du déguisement de la constance.


Ton visage continue de danser longtemps derrière les paupières. Car tu n'es pas de ces vents qu'on oublie lorsqu'ils cessent de souffler. Tu étires l'instant. 

De toi, on voit d'abord un sourire large comme ton front. Ensuite on découvre deux grandes billes bleues barrées d'une mèche folle. Et l'on revient à ton sourire, encore - ton sourire toujours. Ton sourire comme un antidote contre la mauvaise humeur, la sècheresse qui brûle les fleurs, la pluie qui les noie ; ton sourire qui croise le fer avec les mauvais jours, qui les terrasse d'une seule fossette.

Tes yeux au-dessus de ton sourire semblent dire : peu nous importe l'orage, nous serons toujours soulevés par les vents. Il faut dire qu'en plus d'orner ton bonheur, ton visage bienheureux est le reflet de la grâce que tu apportes au monde. 

Cette grâce, tu me l'offres au centuple. Mon petit garçon doux, délicat et terrible. Ma tornade aux yeux calmes et profonds.

Révolution


Il n'est pas rare que l'on me dise : "Et bien, mon vieux, après trois filles vous deviez être soulagé d'avoir enfin un garçon !". 

Je te dois la vérité : l'histoire ne s'est pas passée ainsi. Au commencement ton père pensait avoir des filles, plein de filles, plus de filles encore qu'il n'avait de sœurs. En fait, je n'avais pas vraiment envisagé la possibilité d'avoir un garçon. Ne vois pas là l'expression d'une quelconque préférence. Non, j'avais simplement émis l'hypothèse inconsciente que je n'aurais que des filles.

grande soeur et petit frère
Sœur et frère
J'imagine que tu frémis à l'idée d'apprendre quelle fut ma réaction au moment d'apprendre que tu étais indubitablement un garçon. D'aucun pourrait penser que j'ai répété ad infinitum : "Dites, vous pourriez-pas vérifier encore une fois si ce n'est pas une fille ?"

Rassure-toi, mon petit sourire, il n'en a rien été

Une heure avant de te découvrir, je me suis posé cette question pour la première fois de ma vie : "Tiens... et si c'était un garçon ?". 

Alors, en un instant, une révolution est venue bouleverser ma perception du doute, de la certitude et de la chance. Ce retournement du sol au plafond n'a duré qu'une seconde. Mais tout avait changé en moi. J'acceptais à présent sans aucune réserve la merveilleuse incertitude du hasard.
 
C'est ce même hasard qui t'a fait naître un jour de décembre. Un matin mis en musique par le son de l'eau qui goutte des nuages. Un matin bercé par cette pluie que tu aimes tant et à laquelle ton prénom fait écho.

Toi


Tu es né sans effort ni contrainte. Tu semblais parfaitement heureux de débarquer dans ce monde nouveau : celui où nous pesons notre propre poids. Tu as grandi sur ma peau, mon délicat. Tu dormais la tête enfouie dans mon aisselle. Je dormais en même temps que toi. Et j'ai grandi, moi aussi. J'ai muri au soleil de tes cheveux. Il y aura toujours entre nous ce lien des temps anciens. Il y a déjà entre nous un grenier rempli de souvenirs et de promesses.

petit bébé dort paisiblement
L'infinie légèreté du sommeil
Il y a tout ce que je chuchote à ton oreille : comme le mouvement de tes boucles me rappelle la mer d'Ouessant, combien ta voix réveille mon rire lorsqu'il s'endort, combien j'aimerais ne plus te laisser le matin pour aller travailler. Combien je ne rêve que d'une chose : passer mes journées avec toi, comme j'ai pu le faire avec ta sœur. 

un petit garçon mange une tomate
Une, deux, trois bouchées
Il y a nos secrets : la recette du chocolat au chocolat, les tomates que tu chipes et manges en une poignée de bouchées. Il y a tes réveils deux fois par nuit, que je regretterai lorsqu'ils seront devenus souvenirs. Il y a l'éclat de ton rire au moment où ton front vient caresser le mien avec la douceur d'un marteau-piqueur. Il y a Schubert qui te fait danser, danser, danser comme sur un rock endiablé, danser jusqu'à tomber sur les fesses. 

Il y a ta peau contre la mienne ; ma fraîcheur qui tempère ton été, ta tiédeur qui éclaire mon hiver ; il y a mon souffle doux dans ton cou qui te chatouille un peu, pas trop ; il y a le tien qui frémit dans le creux de mon bras lorsque tu t'y endors. 

C'est à toi que je confie mes songes inavouables : pourquoi j'aimerais vivre dans un film de Wong Kar-Wai, à quel point mon travail me pèse, pourquoi je préfère les nœuds papillon aux cravates et les papillons aux nœuds papillon, pourquoi je ne cours jamais derrière un métro le matin et vole vers mon train le soir. Pourquoi le temps suspend mon sourire entre le moment où je vous laisse et celui où je vous retrouve. 

Il y a ton sourire qui se plante jusque dans le cœur de mon cœur. Ton sourire dont je sais qu'il me donnera un jour le courage de tout envoyer promener. Tout sauf l'essentiel : vous.

un petit garçon carresse sa maman chien
Elle c'est toi

Je t'aime, mon garçon mi-paisible, mi-agité. J'aime la façon dont tu caresses les fleurs, comme si elles étaient des animaux ; et les animaux comme s'ils étaient de verre, très délicatement. J'aime ta sérénité quand un bourdon se pose sur ton bras ou une araignée parcourt ta main. J'aime les rares fois où tu prends ton air sérieux, fronces les sourcils et te donnes des faux-airs de James Dean des bacs à sable. 

 
la maman chien et son chiot garçon
Toi c'est elle

J'aime ta fragile certitude qui chaque jour vacille pour mieux nourrir ton feu.

Je t'ai aimé tout de suite, pleinement, comme tes sœurs. Je me suis efforcé de projeter mes idées préconçues le plus loin possible de tes boucles. De t'aimer simplement comme tu es et de t'accompagner dans ce que tu deviendras.

petit garçon caline poupon
De toute douceur

Je vais te révéler un dernier secret, mon bientôt grand : à quelques détails anatomiques près, un garçon n'est pas différent d'une fille. On te répètera sans cesse l'inverse. C'est du chiqué.

Garçons et filles ont en eux la même douceur, le même sens de la poésie, le même courage, les mêmes sensibilité, intuition, intelligence, instinct. 

Cela ne revient pas à dire que nous sommes tous sensibles ou intuitifs, ou de grands poètes. Cela signifie simplement que notre personnalité n'est pas fonction de notre état civil. Je crois que ce sont les adultes qui jouent à déterminer, dès le berceau, la condition d'un être dont ils ont peur qu'il leur échappe. Peut-être le font-ils simplement parce que ça les rassure au moment de choisir des vêtements et des jouets, ou un truc du genre. 

Toi, tu me montres ce que tu aimes et je me fiche complètement de savoir dans quel rayon tu te trouves. Mon tout jeune enfant, tu ne grandiras pas selon un modèle écrit pour toi. 

Tu feras comme tu seras. Moi, je serai là pour poser un genou à côté de ton pied, t'écouter me décrire le monde et t'apprendre deux ou trois trucs qui m'ont été utiles.

petit garçon et son papa sous la pluie
La pluie, quelle pluie ?
Car en réalité, c'est la seule recette que je connaisse : à chacun sa recette.

dimanche 3 septembre 2017

Quand l'écureuil n'est pas là (et que papa dort), les petites filles dansent

trois paires de pieds d'enfant
Trois fois deux font six pieds légers
Dans notre jardin vit un écureuil. Nous ne le prenons jamais en photo : sa pudeur n'a d'égale que sa rapidité et nous sommes pétrifiés de joie contemplative lorsque nous l'apercevons. Nous le regardons de toutes nos rétines, sans bouger. Je ne suis donc pas en mesure d'illustrer cet article avec une photo d'écureuil : il vous faudra l'imaginer.

La sieste d'Hyde Park


Cet écureuil est une fenêtre ouverte sur mon enfance : Hyde Park, l'automne, les écureuils apprivoisés par des promeneurs toujours curieux, jamais envahissants. Oui : c'était avant les selfies qui gâchent l'instant et le paysage. 

Je ne vois plus l'écureuil de mon enfance dans le brouillard londonien de ma mémoire. Mais c'est pourtant l'image qui se dessine la première dans mon esprit quand j'évoque ma prime enfance. 

Je suis né outre-manche, dans une chambre du St Mary's Hospital du cœur de Londres. Les souvenirs de mes premiers pas à Hyde Park, marchant d'un pas maladroit vers les écureuils, courant après mon équilibre, ce sont mes parents qui me les ont racontés. Ils sont lointains, trop lointains pour que j'eusse pu les garder en mémoire. Je les ai longtemps cru noyés dans la brume.

Pourtant mon jardin m'en a restitué la saveur - par un de ces petits miracles que seule la nature est en mesure de nous offrir. Cet écureuil que j'admire aujourd'hui, je sais l'avoir vu hier. Je ne le vois plus mais il m'est familier. C'est certainement son arrière-petit fils qui habite aujourd'hui le même jardin que moi. C'est lui qui m'offre de revivre mes premiers émois poétiques. 

Poésie vient du grec ποίησις, poíêsis l'action de créer. Enfant, je courais vers la beauté pour ne jamais la saisir : cette définition de la poésie me convient.

Hier, le ciel nous offrait le spectacle de ses nuages régulièrement percés par un soleil timide et doux. Avec mes enfants, nous aimons ces conditions propices à la promenade. Et j'aime personnellement ces conditions qui appellent à faire la sieste entre deux promenades. Nous nous sommes répartis les tâches : l'ainée faussement exemplaire et les sœurs copines se promèneraient dans le jardin pendant que je ferais la sieste, allongé sur la pelouse. 

un papa surpris à faire la sieste
Surpris en pleine activité

L’œil au trois quarts clos, j'attendais que le tableau s'animât. Que mon écureuil en forme de souvenir grimpât sur mon liquidambar... ou plutôt son liquidambar, allez, disons : qu'il grimpât sur le superbe liquidambar qui n'appartient qu'à lui même. Hyde Park (c'est le surnom que je donne au sympathique rongeur) l'affectionne particulièrement. De son sommet, il a une vue imprenable sur les noisetiers qui constituent l'essentiel de son garde-manger. 

Je voulais couper ces noisetiers avant de rencontrer Hyde Park : à présent que je le connais, j'en ai sanctuarisé chaque branche, au même titre que le Falgus sylvatica que j'ai planté de mes blanches mains. Je crois qu'ils me survivront tous les deux.

J'attendais, donc, et j'attendais vainement. Je surveillais mon petit jardin aromatique à gauche, le liquidambar à droite, ma cabane devant. 

 
Romarin, iris ensata, thym, lavande
Tiens, les Iris ensata se sont invités entre le thym et le romarin

cabane d'enfant et likidembar d'écureuil
Cabane sur cabane : le liquidambar surplombe la maison des sœurs copines


Au dessus-de mes yeux, la voute ennuagée veillait sur notre monde. J'avoue m'être légèrement assoupi sous ses yeux bleus nimbés de flocons blancs.

la beauté de la voûte celeste ennuagée
Voûte ennuagée veille sur dormeur des trois vallées


Hyde Park devait être occupé lui aussi à faire la sieste. En tout cas il ne s'est pas montré.

La cueillette en catimini


Les trois sœurs se sont emparées d'un joli panier (en fait de panier, elles ont paré au plus pressé et chipé le panier vapeur dans lequel je concocte de délicieux Bao). Elles ont filé au bord de la rivière. Là, elles ont sauvé quelques pommes de la noyade. Un fort joli pommier se déploie jusqu'au dessus de l'eau. Si l'on y prend garde, il offre à ses fruits de découvrir les joies de la navigation. 

Heureusement, la bande des sœurs y prend garde. Point de croisière pour les pommes : elles s'en iront nourrir les appétits acérés des aventurières qui sont venues les sauver de la noyade. 

 
la petite fille aux pommes et au sac poilu
Cette frêle embarcation ne prendra pas la mer

Aucune pomme ne peut rêver plus noble destin. Sustenter la bande des sœurs, quelque part, c'est assurer au jardin tout entier d'être bien traité. Un enfant n'oublie jamais la main qui le nourrit.

C'est à ce moment, j'imagine, que l'idée a été lancée. 

 
l'idée, c'est de piquer toutes les noisettes
L'idée et sa réalisation

Si je devais proposer un scenario du déroulé des faits, je dirais qu'ils ont certainement dû être initiés par la sœur copine numéro 1 - que l'on connaît dans le royaume des trois vallées sous le nom de Princesse du Grignotage Sabbatal. Princesse dont le pas a dû être rapidement emboîté par celui de sa petite sœur. Enfin, l'aîné faussement exemplaire a dû oublier d'être exemplaire et surenchérir d'un : "Papa dort comme un nouveau né, on peut piquer toutes les noisettes". 

D'un commun accord elles ont alors entrepris de ramasser les noisettes qu'Hyde Park s'était certainement réservé pour le goûter. 

cueillette de noisettes
Quand papa dort, les princesses dansent sous les noisetiers

De mon côté, je m'étais réveillé de ma sieste de père faussement oisif.  J'ai ainsi eu le privilège d'entendre cette merveilleuse conversation :

- Sœur copine n°1 : On va faire un sacré goûter.
- Sœur copine n°2 : J'en ai trouvé une !
- Sœur copine n°1 : La question c'est : on mange tout ou on en garde une pour papa ? Une demi peut-être ?
- Sœur copine n°2 : J'en ai une autre !
- L'aînée faussement exemplaire : Papa planque le casse-noix, on va devoir composer avec lui.
- Sœur copine n°2 : J'en ai une autre !
- Sœur copine n°1 : Le casse-noix est dans le placard du haut. En mettant la chaise sur le marchepied je peux l'attraper. Ou alors on les casse avec un gros caillou.
- L'aînée faussement exemplaire : Papa est derrière la haie, il t'a entendue.
- Sœur copine n°1, d'un ton se voulant naturel : Non, grande sœur, on ne mangera pas tout, on va donner la moitié à papa. Ah, il est là ? Vraiment ? Je ne l'avais pas vu.
- Sœur copine n°2 : J'en ai une autre !
- Sœur copine n°1 :  Tu savais très bien qu'il était là, traîtresse !
- Sœur copine n°2 : J'ai tout ramassé, il n'y en a plus !
- Moi, d'un ton badin : Salut les filles, il reste des noisettes pour un ventre affamé par l'activité physique ?
- Les trois, en chœur : Mais au fait, il faut en laisser pour l'écureuil !!!

la petite filles aux noisettes bientôt mangées
Pour une poignée de noisettes

C'est ainsi qu'une bonne partie des noisettes a fait l'aller-retour entre le sol et le panier - sans passer par mon ventre.

La loi de Dame Nature


Ensuite, nous sommes allés ensemble glaner quelques pommes supplémentaires. Nous sommes passés par le petit potager des fruits rouges et la bande des sœurs y a découvert le principe de réciprocité : de la même manière qu'elles avaient su être parcimonieuses dans leur cueillette, le bec acéré de la nature leur avait laissé... une framboise. 

une framboise pour une noisette rendue
Dame nature rend la monnaie de son fruit

Elles ont partagé leur pépite d'or rouge, et l'aînée faussement exemplaire a déclaré : "Vous pensez que si l'on avait oublié de cueillir quelques pommes, les oiseaux auraient laissé une framboise pour chacune d'entre nous ?"

Au pied du camphrier

Chères lectrices, lecteurs, Après bientôt quatre ans, agapanthes & camphrier va fermer sur ces dernières lignes. J'ai décidé de mig...